Le retour du réel

11 décembre 2020

Vu de Sirius, on pouvait croire que tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes. C’était le temps du virtuel. Inutile de se lever matin, d’écouter la météo, de se laver rapidement, de s’habiller promptement, de s’enduire de crème pour le soleil ou de chercher un parapluie.

Inutile de préparer un pique-nique à la va vite avec des coquillettes à peine cuites, du jambon beurre et du pain de la veille. Inutile de chercher ses gants, ses bâtons, sa casquette, son bonnet, ou son chapeau. Inutile de se bousculer aux toilettes, de dégivrer sa voiture, de chercher de la monnaie pour le covoiturage.

Finie l’angoisse d’être en retard, de faire attendre le groupe. Finie la terreur de voir toutes les voitures s’en aller, sans connaître le lieu du rendez-vous, l’itinéraire à suivre.

On pouvait rester en pyjama toute la journée et faire une petite balade virtuelle grâce à google. Il suffisait de s’asseoir devant son ordinateur et de le laisser marcher à notre place. Google choisissait l’itinéraire que l’on voulait et non celui concocté par Anne-Marie, Marie-Luce, Martine, les Burot, Marie-Christine, et les autres. On se moquait des dénivelés, du vent ou de la pluie.

En un clic, on était au bord de la mer et on chassait les nuages. On faisait défiler les plus beaux paysages.

Pourtant on n’arrivait pas à être pleinement heureux. On était en manque. Pour retrouver la joie, il faut retrouver la bande, ceux qui croient au ciel et ceux qui n’y croient pas, ceux qui veulent des loups et ceux qui n’en veulent pas, ceux qui aiment Fellini et ceux qui préfèrent Pasolini. Le vrai plaisir c’est d’être en groupe, comme les moutons ou les chèvres, comme les vaches sous un pommier, comme les oiseaux migrateurs en vol vers le Sud, comme les fourmis ou les abeilles, comme la meute pour Marie-Luce.

Pour être heureux il faut du collectif, il faut un peu de bavardage, un peu de silence, un peu de rouspétance. Il faut être d’accord, pas d’accord, en désaccord.

Alors quel bonheur si le Père Noël nous rend la liberté de balader en bande. Le réveil va sonner, on va de nouveau se soucier du temps qu’il va faire, s’habiller suivant les caprices de la météo, remplir le sac à dos plein de provisions pour tenir toute la journée, sans oublier la gourde pleine d’eau et le thermos rempli de thé ou de café.

Il faudra endurer les morsures du froid ou les coups du soleil. Il faudra souffrir des hanches et des mollets, parfois des pieds et du dos car le sac est lourd et déséquilibré. Et nous retrouverons la joie, la vraie joie et le sourire. Espérons 2021.