Sur le Caillou.
Relation de notre mois d’août en Nouvelle-Calédonie.
Après un voyage de 25h environ : 21h de vol, plus 2 escales à Amsterdam et Tokyo, nous arrivons à La Tontouta, aéroport de Nouméa vers 23h.
Il nous faut encore rouler près de 2 heures pour atteindre, sur la côte sud ouest, la ville de Bourail, où nous accueille Léo, une amie d’Emmanuelle, dans sa jolie maison cachée sous la verdure.
Comme la plupart des Mélanésiennes elle plante sans relâche, son jardin est un petit paradis tropical, bien plus beau que ceux de ses voisins européens, beaucoup moins luxuriants.
Respectant le rituel kanak nous faisons une « coutume » d’arrivée : nous lui offrons quelques objets venant de France, ainsi qu’un petit billet (5€), accompagnés d’un discours pour la remercier de son accueil et lui dire que nous sommes heureux de faire sa connaissance et de passer quelques jours avec elle. En retour, elle nous offre une natte tressée par les femmes d’une association d’artisanat qu’elle a fondée et un livre présentant cette association : Batefo. Elle nous souhaite la bienvenue en Calédonie et chez elle et nous trinquons selon l'usage français.
Dés le lendemain, elle nous emmène à la pêche aux crabes de palétuviers. Elle n’a pas vraiment besoin de notre aide pour mettre son bateau à l’eau et poser ses casiers, elle fait ça depuis son enfance.
Il fait frisquet sur la Néra. L’appât pour les crabes est une boîte de sardines percées de quelques trous.
Une fois les casiers déposés à des endroits stratégiques, nous accostons sur une petite plage pour pique-niquer.
Retour 2 heures après aux casiers, la marée est descendante, il faut marcher avec de l’eau aux genoux pour les récupérer, pas évident pour nous de reconnaître l’endroit où le casier a été déposé ! Si la pêche n’est pas miraculeuse, nous avons tout de même 5 beaux crabes qui finissent à la casserole.
Léo sort pour nous un objet unique qu’elle a hérité de son père, chef de tribu : une jupe monnaie kanake qui entourait la fille du chef lors de son mariage.
Bourail fut l’un des premiers centres de colonisation pénale, son musée retrace l’histoire de la transportation : loi édictée en mars 1854 par Louis-Napoléon qui déclare «6000 condamnés dans nos bagnes grèvent les budgets d'une charge énorme, se dépravant de plus en plus, et menaçant incessamment la société. Il me semble possible de rendre la peine des travaux forcés plus efficace, plus moralisatrice, moins dispendieuse, et plus humaine en l'utilisant au progrès de la colonisation française ». La Transportation n’est pas une peine en soi, mais un mode d’exécution de la peine des travaux forcés pour des condamnés de droit commun, il suffisait parfois d’être récidiviste de simples vols pour y être condamné. Ce fut aussi une alternative, utile, à la peine de mort.
Les prisonniers libérés devaient rester sur le sol calédonien pendant un temps équivalent à celui de leur peine. Ils recevaient une terre à exploiter et pouvaient, le cas échéant, faire venir leur famille (le voyage était payé dans ce sens, mais pas dans l’autre…). Pour les célibataires l’administration française amenait des jeunes femmes condamnées volontaires, elles étaient hébergées dans un établissement tenu par des religieuses qui organisaient les rencontres. Ainsi s’est formée une partie de la société coloniale calédonienne.
Nous prenons congé de Léo après 4 jours de repos très agréables et enrichissants et quittons cette belle région pour le sud de l'île.
Sur la route de Nouméa, visite de Fort Téremba, un autre pénitencier qui fut fortifié à la suite de l’insurrection kanake de 1878. En 1894, un gouverneur avisé décide de « fermer le robinet d’eau sale », la déportation, pour »ouvrir le robinet d’eau propre », des familles de colons volontaires que l’on installe sur les terre kanakes. C’est maintenant un lieu calme d’où l’on jouit d’une vue splendie…
Au delà de Nouméa nous traversons le sud de la Grande-Terre, la « chaine » n’est plus très haute ici.
Belle balade dans le Parc de la Rivière Bleue, le plus grand parc naturel de Nouvelle Calédonie, réserve de faune et de flore, qui recèle des arbres admirables, les kaoris.
Il domine le lac de Yaté, immense retenue d’eau sur un barrage construit en 1954 pour alimenter en électricité la principale usine de nickel de la Province Sud.
Le nickel est la principale richesse de l’île qui contribue à ravager le paysage et, s'il offre de l’emploi à la population locale, il enrichit surtout les investisseurs…
En fin de journée nous atteignons le village de Yaté, qui vit du nickel : c’est l’extrémité de la route, la côte est magnifique dans le soleil couchant.
Nous faisons une halte sympathique chez Christian et Valérie, un couple ami d’Emmanuelle, qui nous accueillent chaleureusement.
Leur fille cassandre nous accompagne sur la plage, à la recherche de bois flottés et de coquillages, avec lesquels ma sœur fait de beaux mobiles.
Notre séjour sur le « Caillou » se termine par 3 jours à Nouméa : nous voilà replongés dans la civilisation et le monde de la consommation.À l’Anse Wata nous admirons l’une des immenses baies autour desquelles s’étend la ville.
Il reste à Nouméa quelques belles maisons coloniales, malheureusement de moins en moins nombreuses : leurs propriétaires ont tendance à les rénover, leur faisant perdre leur cachet.
Nous visitons le Centre Jean-Marie Tjibaou, construit en l’honneur du grand leader assassiné en 1989 où une exposition présente les œuvres de peintres et sculpteurs locaux contemporains.
Nous quittons la Grande–Terre, dite aussi le Caillou après 10 jours de découvertes, de rencontres et de retrouvailles…
…pour nous envoler vers Lifou, une des îles Loyauté à l’est de la Grande Terre.
AMK avec des photos de Gilles.